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Mettons tous la main à la pâte : associer les collectivités territoriales à la mise en œuvre des Contributions déterminées au niveau national (CDN) en Côte d'Ivoire

Quel est le rôle les régions et les municipalités dans le respect des engagements climatiques d'un pays ? Cette question a été posée lors d'une récente réunion sur l'action infranationale pour le climat en Côte d'Ivoire, organisée conjointement par le NDC Support Programme du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le NDC Partnership et l'Assemblée des régions et districts de Côte d'Ivoire (ARDCI).

 

L'ARDCI est une association qui représente les élus locaux des 31 régions de la Côte d'Ivoire et des deux districts autonomes d'Abidjan et de Yamoussoukro. Les gouvernements infranationaux de la Côte d'Ivoire sont responsables d'un large éventail de secteurs dans leurs régions et municipalités, notamment l'aménagement du territoire, le développement économique, les transports, la protection de l'environnement et la gestion des ressources naturelles, la santé publique, l'éducation, le tourisme, l'eau et l'assainissement. Dans le domaine de l'environnement en particulier, les collectivités locales sont chargées de concevoir et de mettre en œuvre des plans de gestion de l'environnement et des ressources naturelles pour leurs régions, de créer et de gérer des forêts protégées dans la région et de gérer les déchets domestiques.

 

L'ARDCI est activement engagée à aider le pays à faire face aux problèmes liés au changement climatique. Par exemple, l'association envoie souvent une délégation aux négociations annuelles sur le climat et a participé au Sommet sur le climat pour les dirigeants locaux et régionaux en 2016. Dans la perspective de la 21ème Conférence des parties sur les changements climatiques (COP21), l'ARDCI a accueilli le Sommet des villes et régions africaines pour le climat au cours duquel les élus locaux se sont engagés à réserver un pourcent (1%) de leur budget à un nouveau fonds climat. Cependant, cet engagement et bien d'autres pris par l'ARDCI en faveur de l'action climatique ne se sont pas concrétisés, ce qui nous amène à examiner les goulots d'étranglement de l’action climatique au niveau infranational.

 

Les obstacles à l'action infranationale pour le climat

Les régions sont affectées différemment par le changement climatique et, par conséquent, le niveau de compréhension des CDN diffère d'un élu local à un autre. Dans le département de Grand-Bassam par exemple, le principal problème est l'érosion côtière qui a contraint le gouvernement local à s'impliquer dans le débat sur les CDN. D'autre part, dans la région de Béré, la préoccupation est le couvert forestier où les ressources forestières sont également une source majeure de subsistance. A Béré, le gouvernement local est conscient du changement climatique mais ne sait pas comment le concilier avec le développement économique.

 

D'autres régions qui ne souffrent pas de dommages environnementaux visibles peuvent ne pas être au courant de l'existence des CDN. C'est pourquoi il est crucial d'éduquer les responsables locaux sur les liens entre le changement climatique et les défis environnementaux locaux, et d'apporter des solutions pratiques et applicables. Il est également nécessaire de s'attaquer à l'idée fausse selon laquelle l'action en faveur du climat est distincte de l'action en faveur du développement. En réalité, l'action de développement - qu'il s'agisse de la construction d'une route, de l'extension de l'accès à l'électricité ou de l'augmentation du rendement agricole - peut être une action climatique si elle intègre des mesures à faible émission de carbone (énergies renouvelables, récupération des terres dégradées, utilisation des engrais organiques, etc.)

 

Les collectivités locales sont confrontées à un manque de ressources financières. Bien que la réglementation stipule que le gouvernement central doit fournir des ressources techniques et financières aux gouvernements infranationaux pour gérer leurs territoires, les ressources financières transférées sont très peu.  Par exemple, de 2011 à 2015, les fonds alloués aux collectivités territoriales n'ont représenté que 2,08 % du budget national alors qu'ils représentent généralement 5% pour les autres pays africains. 

 

Une stratégie de développement cohérente pour les régions est nécessaire. Face à un mandat non financé, les gouvernements locaux doivent trouver des sources de financement externes. Pour ce faire, il faut mettre en place des stratégies de développement claires pour approcher les partenaires financiers. Cependant, le coût associé à l'élaboration d'une telle stratégie détourne les fonds d'autres besoins fondamentaux comme les écoles et les centres de santé. 

 

Les collectivités locales ont des difficultés d'accès au financement climatique. Les plus grands véhicules de financement de la lutte contre le changement climatique acheminent leurs fonds par l'intermédiaire de partenaires de développement qui, à leur tour, travaillent principalement avec les gouvernements centraux. A moins que le gouvernement central ne cible un projet régional spécifique, les chances des collectivités locales d'accéder à ces fonds sont minces. Même si ces fonds étaient facilement accessibles, les membres de l'ARDCI n’ont pas les compétences pour formuler des projets qui répondent aux exigences des fonds climatiques. 

 

Prochaines étapes

Conscient des nombreux obstacles auxquels se heurtent les collectivités territoriales, le PNUD, par le biais de son programme d'appui aux CDN, le « NDC Support Programme », collaborera avec la Côte d'Ivoire pour améliorer la participation des collectivités territoriales à l’action climatique. Cela se fera par :

  • une sensibilisation des élus locaux et de leur personnel à la complémentarité de l'action climatique et du développement économique ;
  • un appui pour l’élaboration d'une stratégie de croissance faible en émission de carbone pour une région spécifique qui peut servir de modèle pour d'autres régions ; 
  • le développement des capacités locales pour identifier et formuler des projets, en ligne avec les exigences des principaux instruments de financement de la lutte contre le changement climatique ; et
  • une formation approfondie du Programme national de lutte contre les changements climatiques (PNCC) sur la formulation de projets afin de mieux soutenir les collectivités territoriales, les ministères sectoriels et le secteur privé sur l'accès au financement climatique.

 

La Côte d'Ivoire a adopté son système de gouvernance infranationale pour assurer un développement économique équilibré sur l'ensemble du territoire, pour donner plus de poids aux populations dans les priorités de développement de leur localité et pour rapprocher la gouvernance des populations gouvernées. Ce système offre une base solide pour que le pays puisse travailler avec des solutions ascendantes pour faire face aux changements climatiques.

 

Par Catherine Diam-Valla, spécialiste en changement climatique au PNUD